Les Poussiereux


L'ouverture des piliers


Les membres des trois races n’avaient aucun souvenir à leur arrivée sur l’île de Syfaria, juste des croyances et des bribes de culture.
Nul ne comprenait ni ne savait exactement ce qu’il faisait là.
Bientôt, diverses théories furent bâties par les différents peuples pour tenter d’expliquer tout ceci.
En six cent ans, aucune réponse n’ayant été trouvée, des « Factions » se sont créées en fonction des courants de pensée et convictions, raciales ou multiraciales, les liant plus que jamais au sein de Consensus forts distincts.
Trois Factions, dont celle de l'Equilibrium, se sont ouvertes à tous, les trois autres restant cloisonnées à une seule race pour de simples raisons idéologiques et culturelles.
Les « Factions » multiraciales peuvent donc être composées de membres de toutes les races…

L'Histoire de ces Factions, de leur formation, de la survie des êtres de poussière, est entièrement liée à la civilisation Nemen.

Généralités


Ce que savent les êtres de poussière sur les Nemens est issu de récits de ceux-ci, de déductions, d’ouvrages trouvés et traduits dans les ruines des anciennes cités.
Pour être évidemment fragmentaire, ce que tout un chacun sait des Nemens en Syfaria n’en reste pas moins la Vérité acceptée communément.

Ainsi, les connaissances sur la civilisation Nemen n’a aujourd’hui pas de face cachée au sein des Factions.
Toutes les informations sont connues de tout un chacun, et seul l’avenir pourra peut être dévoiler d’autres pans de cette Histoire, car nul ouvrage, nulle recherche, nul travail n’ont de base pour s’étayer jusqu’à maintenant.

Si les rapports changeaient entre Nemens et poussiéreux, si le fossé qui sépare ces civilisations se comblait un tant soit peu, alors enfin une nouvelle donne serait possible…

La race Nemen



Les Nemens sont des êtres filiformes, dont le squelette est d’une étonnante légèreté alors que leurs muscles ont une réactivité et une force sidérantes, ce qui leur confère une discrétion hors du commun, une puissance et une résistance physique souvent impressionnantes,ainsi qu’une démarche dont la finesse est déroutante.

Les Nemens vivent souvent en couples, et sont donc bisexués.
Les femmes Nemens sont les égales des mâles en terme de performance physique et mentale, et dans certains cas, il est difficile de distinguer si l’on a affaire à un ou à une Nemen.

Les Nemens enfantent une seule fois dans leur existence, à ce que l’on dit.
L’enfant grandit et vit normalement jusqu’à l’âge de trente ans environ, et son vieillissement se stoppe brutalement à un moment donné.
Les Nemens sont des êtres immortels.
Certains auraient plus de deux mille ans selon les rumeurs…

Immortels signifie qu’ils ne vieillissent point.
Sont quasi insensibles aux maladies et aux poisons de toutes sortes.
Se régénèrent en cas de blessure à une allure stupéfiante.

Mais les Nemens peuvent mourir, les rejetons en font la preuve régulièrement.
Et ils ne reviennent jamais via les piliers.
(de mémoire de poussiéreux, jamais un Nemen n’a même pénétré dans un pilier de poussière)
Les Nemens ont un régime alimentaire classique et omnivore.
Ardents amateurs de bons plats et de bonnes boissons, ils sont en général très résistants à l’alcool.
On reconnaît aussi un Nemen aux runes qui essaiment l’ensemble de son corps.
Les enfants, même très jeunes, sont toujours vus portant des runes, néanmoins très simplifiées dans le cas des nourrissons…
Les adultes ont des runes en plus ou moins grands nombre sur le corps, et les Calligraphes Nemens ne cessent d’en ajouter ou d’en enlever sur ceux qui les consultent.

Les Nemens ont une attitude souvent agréable, mais troublante, et leur sourire, leurs yeux pétillants, charment autant qu’ils déstabilisent…

Relations « Nemens – Poussiéreux »



Les Nemens vivent sur Syfaria depuis plusieurs millénaires.

Leurs cités, sur les ruines desquels se sont bâties les cités de poussière, en sont une preuve parmi tant d’autres.
Les modes de construction, les fondations des enceintes, certains ouvrages, ont été étudiés à l’aune de la sorcellerie pour découvrir après des efforts acharnés que les Nemens ont une existence civilisée sur Syfaria depuis environ trois mille années.

Le premier contact


La façon dont est connue et perçue l’histoire Nemen est étroitement liée à la rencontre de ce peuple avec les êtres de poussière, et aux deux cent premières années de leur existence sur l’île.
Car ce fut en ces temps reculés que les Nemens furent le plus présent auprès des poussiéreux, et à ce moment là que la plupart des informations sur leur passé furent dévoilées…

En l’année 906, lors de la sortie des piliers, les êtres de poussière étaient nus, sans défense et fragiles.
En piteux état, et à la merci des rejetons du S’sarkh…

Environ six mille êtres se retrouvèrent ainsi sur Syfaria, disséminés de manière égale entre dix piliers.
Deux ne fonctionnèrent pas : celui proche d’Ulmendya, la cité puits, et celui prêt de la cité détruite de Rastryghën, nommé le "Pilier perdu", qui inexplicablement ne déployèrent aucune énergie.
Cela se produisit en moins de trois heures de temps.

Les premiers Nemens arrivèrent sur les lieux deux heures plus tard, mais quelques assauts des rejetons avaient déjà eu lieu.
Environ quatre cent poussiéreux étaient morts lorsqu’ils repoussèrent les rejetons et sécurisèrent les zones où ces êtres dénudés, affamés et sans aucun pouvoir venaient d’arriver, en étant pour la plupart complètement désorientés.
400 morts…
Aucun n’aurait survécu sans l’intervention rapide des Nemens.

Aucune réincarnation ne se produisit, ce phénomène n’apparaîtrait que quelques dizaines d’années plus tard pour la première fois.
(rappel : seule la symbiose permet aujourd’hui des réincarnations aussi systématiques)

Les premières années furent des années difficiles.
Les rejetons tentèrent sans relâche d’éradiquer les nouveaux venus !
Les Nemens incitèrent les poussiéreux à se réfugier dans leurs anciennes cités, toutes proches des piliers, et en utilisant les défenses naturelles de celles-ci, les troupes du P'khenS'sarkh furent finalement contenues dix ans après le premier contact, mais cette guerre d'éradication devait durer encore jusqu'en 1115...

Très vite, les poussiéreux reprirent leurs forces après leur terrible arrivée, et armes, armures, protections diverses furent construites.
Les Nemens étaient fort étonnés de l’activité incroyable dont faisaient preuve ces êtres, et visiblement ne comprenaient ni d’où ils venaient, ni comment les piliers avaient réalisé cet exploit.
Les peuples se regroupèrent, la petite population de départ s’avéra rapidement d’un très grande force physique et surtout morale.

Les Neldas faisaient preuve d'une étonnante capacité à découvrir des lieux, à trouver des réponses, à lire même parfois dans les âmes, grâce à une aptitude totalement incompréhensible pour les Nemens : les Neldas entraient en transe, et parlaient d'un rêve tangible, d'une possibilité de monde rêvé.
Ceci ne pouvait exister pour les Nemens, tout simplement...

Les Tydales avaient de formidables capacités de combats, et une façon proche de la perfection de s'approprier les mouvements, les tournures et les déliés de la mise à mort .
De plus, les membres de cette race se révèleraient plus tard être capables d'innovantes perspectives dans le domaine de la sorcellerie, ce que les Nemens détectèrent très tôt chez ces poussiéreux avec une sourde réprobation.

Les Tchaës furent les plus détonants aux yeux des Nemens, dans tous les sens du terme, car leurs souvenirs leur permirent rapidement de construire des armes à poudre performantes et des machineries incongrues que les Nemens n'avaient jamais réalisées ni même imaginées...

Beaucoup avaient des théories différentes sur leur passé et leur venue ici bas , mais ces souvenirs étaient vagues, incertains, et il est impossible aujourd'hui de savoir avec exactitude si les préceptes et croyances de certains sont pure imagination ou réelle image d'un lointain passé d'avant le premier contact.
Rapidement, l’instinct de survie les poussa à s’organiser plutôt qu’à échafauder des théories et des tentatives de « retour » vouées à l’échec.

De ces « premiers sortis », il ne reste aujourd’hui sur Syfaria qu’une dizaine d’êtres de légende, dont certains sont encore au contact des populations, telles Sardoryanne, Firydor ou Thanakis, mais d’autres comme Krynosias n’ont pas été vu depuis des centaines d’années…
En effet, il s’avéra rapidement que quelques êtres exceptionnels revivaient lorsqu’ils décédaient.
Les piliers les réincarnaient, plus jeunes lorsqu’ils mourraient de vieillesse, soignés lorsqu’ils étaient blessés et même parfois régénérés lorsqu’ils avaient été mutilés...

Les réincarnations étaient très rares.
Moins d’une sur mille décès jusqu’au temps récent de la symbiose avec les Mous.
Une deuxième réincarnation après une première ne touchait qu’un être sur dix mille en moyenne.
Mais une dizaine revivaient systématiquement…

Ils devinrent les chefs naturels de la plupart des factions se constituant.

Après que les êtres de poussière se soient installés dans les anciennes cités Nemen, environ deux cent années s’écoulèrent durant lesquels la reconstruction des civilisations se mit en place.

Un problème majeur était apparu dès la Sortie.
Nul parmi les poussiéreux ne maitrisait la sorcellerie.
Non pas que beaucoup parmi ces êtres ne connussent pas la façon de manier le mana, ou de focaliser leur volonté pour altérer la Réalité, mais aucune des méthodes qu’ils avaient apporté avec eux, enfouies dans leurs consciences, ne fonctionnait.
Il n’y avait rien à faire.
Aucun sortilège, aucune manipulation, même la plus élémentaire, n’avait le moindre effet.

La situation était grave, car sans sorcellerie, les races de poussière, même si de grands combattants en émergèrent, ne pourraient jamais survivre seuls à la surface de Syfaria.
Or, les Nemens affichèrent très vite leur volonté de ne laisser à la surface que des contingents minimums, et ils voulaient à tous prix permettre aux poussiéreux de survivre seuls, leur permettant ainsi de regrouper leurs troupes à Ulmendya.
La spécificité des flux, la nature même de la réalité sur Syfaria, empêchaient les sorciers poussiéreux de manipuler leurs anciens sortilèges.

Paradoxalement, jamais un Nemen ne lança le moindre sort.
Jamais un seul effet de modification de la trame, effectué par un Nemen, ne fut observé.
Mais les Nemens avaient sur eux des runes incroyables !
Des runes comme nul poussiéreux n’en avaient jamais vu.
Des tatouages, calligraphiés avec un art subtil, d’une complexité effarante, recouvraient la plupart de leurs corps.
De ces tatouages n’émanait aucune magie, aucun effet.
Mais très rapidement, les poussiéreux comprirent que non seulement toute la société Nemen était basée sur ces tatouages, mais que de plus, un lien puissant semblait exister entre ces runes et la façon dont la Réalité s’organisait en Syfaria.

Des sorciers tentèrent de reproduire les runes afin de maitriser de nouveau leur art de lancer des sorts.
Les Nemens avaient très fortement incités les poussiéreux à ne point se lancer dans une telle entreprise, et à toutes les questions sur leurs runes avait toujours été répondu que nulle affection directe de la Réalité ne pouvait être faite via celles-ci, qu'elles étaient un art indomptable et qui structurait leur être autant que leur société.
Les runes étaient un langage, et non un moyen.

Les sorciers poussiéreux qui se lancèrent là dedans échouèrent lamentablement : beaucoup tombèrent complètement fous, eurent de très graves maladies, moururent dans d’atroces circonstances…sans qu’aucun effet, aucun lien, ne puisse jamais être observé avec leurs travaux.

L'Arkan, L'Anarkan et les Sphères

Les Nemens décidèrent vers 951 de se jeter à corps perdus dans la découverte d’un moyen pour les poussiéreux de maitriser de nouveau leurs sortilèges.
Leur connaissance théorique et philosophique de la nature de la Réalité et de ses structures fut d'une aide incommensurable pour comprendre et anéantir le blocage qui affectait les poussiéreux.
Conjointement, des études furent menées, longues et ardues, qui finirent plus de trente années après à la mise en place d’un nouveau langage de sorcellerie : l’Arkan.

L’Arkan permit de lancer les premiers sorts de ce que l’on nomma plus tard l’Essentialis.
A partir de là, et toujours en étroite collaboration avec les Nemens, la sorcellerie fut divisée en « Sphères », afin de permettre à l’Arkan de maitriser les flux de mana, et de les manipuler avec une totale sécurité.

Evolution, Chimère, Décrépitude furent ensuite rapidement mis au point.

L’entropie mit plus de temps.
L’Arkan avait parfois pris des détours qui le déstabilisait : certains sorciers s’y intéressèrent et bâtirent une déviation de l’Arkan, nommé l’Anarkan, qui maitrisait les flux avec plus de puissance mais bien moins de stabilité.
Il fut trouvé que cette sphère réussissait l’exploit de maitriser des forces statistiques incroyables, et que l’entropie elle-même répondait à ce langage.

Plus tard encore, la sphère de l’Exécution fut inventée par les tydales.
A cette époque, le Déclin ne les avait pas encore frappé, et ils étaient prolixes en invention et sublimation de leurs pensées.
Cette sphère n’en est pas vraiment une.
C’est un lien entre l’Arkan et des techniques corporelles issues de traditions guerrières des Tydales.
Ainsi, le corps par ses mouvements, renforcent les pouvoirs de l’Arkan, et permet des effets sur le manipulateur et son entourage d’une puissance combattive rare.

Les Nemens se désengagèrent à cette époque des recherches des poussiéreux.
Ils désapprouvèrent totalement cette « invention », contre nature à leurs yeux, et qu’ils estimaient dangereuse et inutile.
Sans jamais s’énerver, ils firent comprendre aux êtres de poussière que leur aide en terme de recherche de sorcellerie était à jamais terminée.
Les évènements leur donnèrent raison.

Des études furent ensuite menées, bien plus complexes, sur une Sphère devenue aujourd’hui légendaire.
La Sphère de Coruscation.
Une sphère de sorcellerie qui, selon les rumeurs, tentait d’utiliser le pouvoir des piliers, ou du moins d’en imiter le fonctionnement.

En 1047, les plus grands sorciers de Syfaria, tous sans exception soit 92 êtres de poussière en tout, explosèrent littéralement !
Leurs corps se répandit à plus de 50 mètres alentour, depuis là où ils se tenaient, tous en train de compléter leurs études sur la Coruscation !

Les Nemens avaient prévenu, ils ne firent pas étalage d’une quelconque fierté à avoir anticiper cette catastrophe.
Il fut décidé de stabiliser l’Arkan et l’Anarkan, de détruire toutes les études relatives à la Coruscation, mais aussi toutes les études qui avaient permis la création des deux langages de sorcellerie des poussiéreux, et de clore définitivement le chapitre des recherches de sorcellerie.

L’Arkan, et l’Arnarkan, devinrent avec le temps des référents incontournables, des outils formidables, mais aussi des cadres dont nul sorcier n’oserait plus jamais sortir… tout simplement par peur et par ignorance d’un quelconque moyen pour y parvenir.

Le P’khenS’sarkh

Quelques années après leur arrivée, les trois peuples découvrirent avec stupeur ce que les Nemens savaient depuis longtemps, mais qu’aucun des « nouveaux » ne voulait croire : l’Océan autour de l’île était habité par une créature effroyable, responsable de ses dangers !
Tentant de rejoindre un hypothétique autre continent, un groupe de quarante poussiéreux découvrit ce qui est nommé « Ss’arkh » par les Nemens.

Une créature gigantesque, de plusieurs centaines de mètres de long, à la forme imprécise, qui se déplace dans les Océans.
Cette chose détruisit l’expédition, et provoqua un raz de marée sur les cotes !

Les habitants de Syfaria voient cette créature de temps en temps, se mouvant lentement au large.
Certaines « émanations » de cette chose ont envahi l'ïle toute entière, imbibant son air et tout ce qui y vit.
On appelle cela les « Effluves du S'sarkh »...
Ces effluves altèrent les êtres et les créatures, en faisant d'immondes Perversions !

Ces « Aberrations » peuvent avoir des formes organiques, végétales, minérales ou même parfois avoir des apparences "techniques"...




Les poussiéreux comprirent ainsi brutalement pourquoi les villes des Nemens avaient été abandonnées au fil du dernier millénaire.
On ne pouvait vaincre, on ne pouvait que survivre...
Les Nemens avaient bâti de toute pièce une cité au milieu de la toundra du Nord : Ulmendya, une cité-puits, aux plateformes reliées par des échelles et des ponts suspendus.
La cité Nemen aurait du devenir un havre de paix et de civilisation...

Les poussiéreux, eux, n'eurent pas le choix.
Ils devaient survivre à la surface, ou disparaitre.
La cité-puits ne pouvait les accueillir, déjà trop exigüe pour les 600 000 Nemens l'habitant...

Jusqu’en 1115 environ, les Nemens continuèrent de protéger les cités de poussière, contre les assauts des rejetons.
Ceux-ci étaient massifs et meurtriers.

Néanmoins, les races de poussière n'ont jamais eu directement affaire au P'KhenS'sarkh.
Seuls ses rejetons majeurs menèrent les multiples assauts contre les murailles des dix cités de poussiéreux.

Il apparut très rapidement aux nouveaux venus sur Syfaria que les effluves du S'sarkh avaient bel et bien des influences terribles sur certaines créatures, les rendant folles furieuses, tandis que d'autres combattants étaient bien plus organisés, et fomentaient des plans machiavéliques afin de les détruire.
Les rejetons du S'sarkh s'avérèrent de façon certaine être sous le commandement d'un être suprême, totalement différent de tout ce qu'ils avaient affronté jusqu'alors.

Les Nemens leur confirmèrent ce terrible constat, leur réel ennemi était parfaitement tangible et conscient de ses actes, désirant éradiquer toute vie sur Syfaria.

Selon les Nemens, le P'KhenS'sarkh serait apparu un siècle et demi après "la Chute", vers l'année 148.
Celui-ci forma une armée de ce qui n'était jusqu'alors qu'un ramassis de monstruosités, les organisa, rallia à sa cause de nombreuses races natives de Syfaria, dont les terribles Vortex.

On lui prêtait une allure éthérée, entouré de ténèbres permanentes, mais aucun espion Nemen n'avait jamais réussi à s'en approcher suffisamment pour l'étudier correctement.
Sur les champs de bataille, ils apercevaient parfois sa silhouette massive au loin, entouré de sa garde rapprochée, barrière infranchissable empêchant toute velléité de s'en débarrasser.

Les Nemens étaient des combattants formidables, et bien que ne maniant pas la sorcellerie, avaient d'impressionnantes capacités à résister à tout effet d'altération de la Réalité.
Ils se battaient la plupart du temps avec armes et armures, mais certains n'hésitaient pas à plonger dans le coeur des batailles complètement nus, en ressortant après de longues heures, le corps englué de sang, par delà une pile de cadavres de rejetons aux corps déchiquetés...

La fureur des assauts avait tout d'abord impressionné les êtres de poussière.
Nemens comme rejetons se lançaient les uns contre les autres sans aucun souci pour leur survie, et combattaient parfois jusqu'à en perdre l'esprit !

Malgré les marées de créatures qui s'abattirent sur les bastions de poussière, les cités résistèrent durant ces deux cent premières années.
Et grâce à cela, les poussiéreux purent prospérer et se reproduire.
La mortalité infantile était très basse, et bientôt ils furent multitude suffisante pour espérer survivre.

Prolifération et Déclin.

Si deux mille êtres de chaque race franchirent les piliers, et même si les Tchaës et les Neldas avaient un taux de développement relativement élevé, il ne fallut pas longtemps pour que la population Tydale explose.
En grande majorité composée de femelles, celle-ci faisaient preuve d'une fécondité exceptionnelle, la plupart ne s'arrêtant pas d'enfanter avant leur cinquième fille.
Dotées d'un amour immodéré pour l'art du combat, une véritable nation guerrière se créait, de plus en plus rapidement.
En moins d'un siècle, les Tydales dépassèrent les cinquante mille personnes !

Ce fut alors, en l'an 1004, que le P'KhenS'sarkh décida de stopper cette irrésistible ascension.
Les hypothèses sont multiples et bien souvent fantaisistes sur la façon dont il accomplit le plus grand méfait de l'histoire poussiéreuse, mais l'origine de ce malheur et l'attitude des rejetons, suffirent à prouver maintes fois que cette suprême engeance était le vecteur de ce qui allait clouer sur place l'irrésistible progression des tydales en particulier, et des poussiéreux en général...

Usant d'un pouvoir qui déferla par vagues d'altérations de la Réalité sur toutes les cités de poussière, il affecta les femelles tydales, et à travers elle, un peuple tout entier.

En une nuit, tout fut terminé : partout, les Tydales tombaient comme des mouches, des villes entières furent vidées de leur sève !
Seule une petite moitié de la population survécut, celle dépendant d'Akaliara, la plus jeune et la plus forte des matriarches, l'une des premières sorties à ressusciter toujours et encore.
Pour autant, les survivantes ne furent pas épargnées...

Suite à cet épisode, que les Tydales nommèrent le D'Hapu, le Matriarcat prit note de l'ampleur de ce qui était advenu : plusieurs jeunes femmes périrent en couche avant que le bouleversement physiologique dont elles étaient victimes fut compris.
Dorénavant, les Tydales, pourtant toujours aussi fécondes, et tombant aussi aisément enceintes, étaient incapable de subir plusieurs accouchements.
Le P'khenS'sarkh leur avait volé leur arme la plus précieuse, celle qui leur aurait assuré la victoire à terme contre les rejetons du S'sarkh...

En quelques générations, la mentalité au sein du Matriarcat changea totalement.
Il n'était désormais plus question de se laisser aller à une tendre insouciante, à une témérité bonne enfant.
C'était la survie même de la Race qui était en danger, chaque vie devenant précieuse.
Les conditions de vie des femelles, mais plus encore des mâles, furent bouleversées par cette tragédie
Au sein du Matriarcat, le P'khenS'sarkh est souvent nommé "L'Artisan du Déclin"...

Cette action d'envergure fut la seule que mena de façon directe le P'KhenS'sarkh contre les poussiéreux, mais elle suffit à définitivement marquer les esprits de toutes les races.
Les tydales étaient marquées du sceau du Déclin, mais dans tous les esprits Neldas ou Tchaës serait dorénavant gravé ce fait indéniable : il ne fallait point trop enfanter.
La peur, outil le plus acéré des rejetons, fit son oeuvre...

Les membres des deux autres races se mirent à limiter d'eux même les mises au monde, et en général les familles Neldas et Tchaës dépassent rarement deux-trois enfants, ce qui explique la relative stabilité de la population poussiéreuse depuis cinq cent ans...

L'an 1115.

Durant toutes ces années, rumeurs et légendes naquirent sur le P'KhenS'sarkh.
Il ne serait pas en phase avec cette Réalité, étant insensible à tout ce qui pouvait l'affecter tout en pouvant agir sans souci sur tout ce qu'il désirait pervertir.
Il serait directement issu du S'sarkh, être de douleurs ayant pris conscience.
Ses capacités de destruction seraient telles que beaucoup le soupçonnent de faire durer les combats pour torturer durant des éons des générations de Nemens et de poussiéreux.
Cette certitude ancrée dans le coeur de certains qu'aucun espoir n'est envisageable, que lui et ses troupes sont mille fois trop puissants, est le désespoir le plus pervers provoqué par le P'KhenS'sark.
Les suicides furent nombreux durant ces deux cent premières années...

Selon ces rumeurs, il se serait accaparé les souterrains de l'antique cité de Rastryghën, dans les Montagnes du Nord, et sous les ruines de cette ville aurait bâti pour son armée une ville gigantesque et fantastique, où certains poussiéreux pervertis allaient parfois pour rendre compte de leurs espionnages.

Car les poussiéreux eux aussi subissaient les affres des effluves du S'sarkh.
Des filaments apparaissaient sous la peau, dans les corps, se nouaient, s'entrelaçaient et des cristaux noirs perçaient la peau, de plus en plus gros, de plus en plus douloureux.
Au final, certains tombaient fous.
D'autres... changeaient...
Et rejoignaient les rangs du P'KhenS'sarkh...

Ce fut peut-être ceci qui fut à l'origine de ce qu'il advint en 1115.
En effet, en 1115, le Pk’henS’sarkh fit savoir par ses rejetons majeurs aux êtres de poussière qu'ils n’avaient aucune importance, et n’étaient que fourmis indésirables, qu’il détruirait avec le temps et à son temps.
Il détourna ses armées de la surface de Syfaria, et se tourna vers Ulmendya pour ne plus jamais s’en détourner jusqu’à aujourd’hui.

Bien entendu, les aberrations, les rejetons mineurs, poursuivirent les attaques sporadiques contre les poussiéreux, mais dans une mesure qu’ils étaient désormais capables de contenir sans les Nemens.
Eux durent retourner s’enfoncer dans leur cité puits.
Durant les quatre cent années qui suivirent, les périodes de calme et de guerre se succédèrent.
Ulmendya était parfois ouverte aux êtres de poussière, parfois les combats alentours empêchaient son accès.
Les Nemens se replièrent de plus en plus sur eux-mêmes, et leur peuple se retrouva partagé entre ceux de la surface, en contact avec les poussiéreux, et ceux qui ne sortirent plus des niveaux inférieurs d'Ulmendya...




Nemens et... Nemens

Ceux qui restèrent à la surface, environ huit à douze mille Nemens, qui continuèrent de commercer, de travailler, de construire, d’entretenir et de gérer les transports Volants, ceux là devinrent des amis pour beaucoup de poussiéreux, et se rapprochèrent d’eux, s'adaptèrent en terme de pensées, de mode de vie et de philosophie.

Une bonne proportion de Nemen incorpora les factions, toutes les factions, mais d’un commun sentiment, tous reconnaissaient qu’ils avaient au fil du temps perdu le lien philosophique avec ce qu’étaient les "anciens" Nemens, ceux qui vivaient dans les tréfonds insondables de la cité d’Umendya.

Ceux là, seuls les dirigeants des six factions les rencontrèrent parfois.
Deux à trois fois en quatre cent années, selon les rumeurs…
Lorsqu’elle était ouverte, la cité d’Ulmendya n’accueillait les poussiéreux que dans les trois premiers niveaux de la cité puits, et les Nemens vivants dans ces niveaux étaient en tout point semblables aux autres de la surface.
Aimables, agréables, bons compagnons et marchands acharnés, poètes tout autant que rêveurs, ils avaient tous les traits de ceux qu’ils côtoyaient au jour le jour…

Ceux là avouent toujours sans honte qu’ils n’ont plus grand-chose de commun, dans leur façon d'être et d'appréhender l'existence, avec les Nemens « du puits ».

Pour autant, ce qu'on peut déterminer de ceux "du puits", par le souvenir des deux cent premières années, par les discussions avec les Nemens au contact durable des poussiéreux, est que ceux-ci sont d'une intelligence prodigieuse, ou en tous cas tellement décalée avec l'état d'esprit des poussiéreux qu'elle en devient incompréhensible.
Ces Nemens ne considèrent pas que les mots ont des définitions, mais que les mots sont des définitions.

Leur phrasé, leurs relations aux autres, en sont altérés, et ne sont souvent pas interprêtables correctement par les êtres de poussière.
Certains poussiéreux ont parfois eu l'impression qu'ils étaient considèrés comme des enfants immatures, néanmoins sans aucune condescendance mais au contraire avec un amour véritable de celui qui doit protéger plus faible ou moins évolué que lui.
Leur attitude fascine autant qu'elle exaspère, et ces êtres sont une énigme vivante qui suscite moult interprétations, soupçons et divagations.
On leur prête tous les pouvoirs et tous les défauts imaginables !
Alors que certainement, aucune de ces notions poussiéreuses ne peut s'appliquer à eux...

Aujourd’hui, Syfaria est administrée de facto par les « Nemens », dixfois plus nombreux que les races de poussière, malgré leur repli sur Ulmendya, tout simplement parce que ainsi ont survécu les factions, et ainsi survivront-elles demain.

Ceux à la surface sont totalement dévoués à leur peuple, à leur société et à la place des runes.
Seule leur mode d'existence, leur philosophie de vie, a évolué.
Nul Nemen de l'extérieur ne s'opposera jamais à ceux "du puits", ni même ne l'envisage.
Car au cours de ces longs millénaires, nul Nemen n'a eu à désavouer les décisions de ses pairs...


Société


La société Nemen semble totalement basée sur les runes tracées sur leurs corps.
Les Calligraphes - ou Callimanciens - forment le coeur de leur peuple, mais n'en est point la tête.
En effet, les Calligraphes sont de véritables artistes, entièrement dévoués et tournés vers leurs études et qui ne cessent d'œuvrer sur le reste du peuple.

Cette frange de leur population est néanmoins la seule qui soit "stable".
En effet, un Calligraphe le reste toute son existence, et ne se consacre à aucune autre tâche.

A contrario, la société Nemen est très fluctuante dans les attributions dont se chargent ses membres.
Un Nemen peut au cours de son existence être garde, puis paysan, puis érudit, marchand, ou artisan puis redevenir garde ou n'importe quelle autre attribution.
Parfois, certains Nemens semblent être les "décideurs", mais quelques années plus tard, il en va tout autrement, et vous retrouvez celui qui conférait dans les hautes sphères en train de bêcher des salades avec force conviction et grognements envers le ciel et les intempéries...

Cette "non structure" est troublante pour qui cherche à s'y immiscer, car l'on ne peut jamais savoir si l'on s'adresse à un moment donné à la bonne personne, et le paradoxe de cette situation est qu'en réalité on s'adresse quoi qu'il advienne toujours à la bonne personne...

Les Nemens de l'extérieur fluctuent tout autant que leurs pairs du puits, même si leur attributions sont plus claires et plus durables, et il est à noter que leurs runes évoluent tout autant, des Calligraphes allant et venant via les transports Nemens.
Nul Nemen de la surface, par contre, n'a pu jusqu'à aujourd'hui être qualifié de "décideur" à un moment donné... mais rien ne dit que certains ne l'étaient pas non plus.
Certains poussiéreux estiment que la place dans la société Nemen est dirigée par les runes qu'ils portent, mais rien dans leur quantité ou dans leur qualité n'a pu déterminer si effectivement le lien était réel ou de pur formalisme.

Nulle velléité de concurrence hiérarchique
n'existe chez les Nemens puisqu'il n'y a pas de hiérarchie stable.
Certains se retrouvent parfois voleur, prostitué ou mendiant, sans que jamais la haine de leur prochain découle de ce statut.
Ces sentiments, et tous les "groupes sociaux", existent bel et bien dans la société Nemen, mais si haine il peut y avoir, elle est envers l'individu, de toutes les manières envisageables, et non envers la société toute entière, puisque la place occupée est totalement acceptée.
Ainsi, tout semble factuel dans la société Nemen, à contrario de leurs discours qui eux sont le plus souvent en lien avec des notions qui dépassent l'instant et la matière.

Enfin, les Nemens semblent agir à la fois comme une entité et comme des individus totalement indépendants.
Il n'est pas rare qu'un Nemen s'exprime de manière assurée au nom de tous les Nemens, et lorsqu'on lui demande d'en référer à d'autres que lui même, il en est surpris et ne comprend pas cette digression.
Pourtant, les Nemens n'ont jamais fait preuve de la moindre "télépathie" globale, en dehors de ceux qui se sont symbiosés dans les trois dernières années, mais ceux là restent tout aussi rares que chez les poussiéreux...

Le fossé qui sépare Nemens et poussiéreux est lié à l'ensemble de leur mentalité, de leur histoire et de leur "non structure" sociable.
Un fossé tel que peu d'espoir existe qu'un jour il puisse être comblé, si tant est que cela soit un jour désiré de part et d'autre...